Beaucoup d’entre nous ont déjà ressenti un vif agacement au cours d’une réunion. Les raisons peuvent être multiples : un contenu peu pertinent, des intervenants mal préparés, une atmosphère tendue… ou, plus simplement, la sensation d’“avoir perdu son temps”.
J’évoquais dans un précédent article « Du management expert au management systémique : le passage indispensable pour devenir dirigeant » à quel point les cadres supérieurs ne peuvent plus s’appuyer seulement sur leurs compétences techniques ; ils doivent acquérir une vision transversale et s’attaquer à l’amélioration de la “machine organisationnelle”. Or, “savoir organiser et piloter des réunions efficaces” devient un atout crucial à ce niveau.
Pour augmenter l’impact et la productivité d’une réunion, on conseille souvent de peaufiner les préparatifs (ordre du jour, diapositives, comptes rendus…), mais on néglige parfois la gestion du temps et du déroulement. Pourtant, adopter une approche centrée sur la structure temporelle peut faire passer vos réunions à un niveau supérieur.
Le concept de “Time structuring” vient du psychologue Eric Berne, et relève de la dynamique psychologique des individus. Je vous le présente de manière pratique pour la sphère professionnelle. Qu’il s’agisse d’un tête-à-tête avec un collaborateur, d’une réunion d’équipe ou d’une rencontre inter-services, jeter un œil sur la manière dont chacun “occupe” son temps peut vous aider à ajuster votre style de leadership et améliorer considérablement la qualité des discussions.
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1. Les six types de “Time structuring” selon Eric Berne
Avez-vous remarqué la façon dont vous passez le temps en étant avec les autres ? Chaque personne a ses propres mécanismes pour remplir ou “structurer” le temps disponible, y compris dans une réunion. Mais chacun a également sa manière de juger si ce “temps collectif” est bien utilisé ou gaspillé.
Eric Berne (fondateur de l’Analyse Transactionnelle) définit 6 manières de structurer le temps lorsqu’on interagit :
- Withdrawal (repli)
Il s’agit de s’isoler mentalement, ne plus interagir avec les autres (rêvasser, se perdre dans ses pensées…). Même en réunion, un participant peut “être là sans y être” : corps présent, mais esprit ailleurs.
En début de séance, tout le monde est un peu “ailleurs” avant d’entrer dans le vif du sujet. Le leader doit “réchauffer” l’ambiance, clarifier l’objectif pour mobiliser l’attention. Il doit aussi repérer si, au cours de la réunion, quelqu’un “décroche”. Peut-être la personne a-t-elle ses raisons (stress, sujet qui ne la concerne pas…). - Rituals (rituels)
Des comportements simples, prévisibles, qui n’apportent pas forcément de contenu. Par exemple, le « bonjour, comment ça va ? », parfois la place que chacun occupe, etc. Dans la durée, ça peut devenir un usage vide de sens pour certains.
Dans une réunion, ces rituels peuvent se situer en tout début (dire bonjour à chaque participant, bavarder brièvement). Encore faut-il mesurer la durée : certains estiment que 2 minutes suffisent, d’autres ont besoin de 5 minutes pour “montrer la courtoisie”. D’où certaines tensions si l’on ne partage pas les mêmes codes. - Pastimes (consommation de temps, “petits passe-temps”)
Ici, on discute de choses légères, on commente un détail sans lien direct avec l’objet principal… bref on “occupe le temps”. Par exemple : “Le café est trop amer” ou “Quelle belle présentation, j’adore la couleur…”. Rien de grave, mais ce ne sont pas des points substantiels.
Certains s’impatientent : “Ça fait 10 minutes qu’on papote, passons au sujet !” En fait, un petit “pastime” peut servir de mise en jambes sociale. Le trop-plein peut paraître vain et délayé. - Activities (actions communes)
C’est l’emploi du temps pour un travail concret, planifié, qui produit un résultat (échanges, décisions, plan d’action). C’est ce que nous attendons principalement d’une réunion d’équipe. Mais cet espace “d’action” manque souvent de dimension “relationnelle”. On avance, ou pas, parfois sous tension.
Certaines réunions sont supposées être 100 % “activités” (formelles, orientées solution). Mais si on néglige la part sociale et émotionnelle, on passe à côté de la cohésion de l’équipe. - Games (jeux psychologiques)
On parle ici d’une suite d’échanges ambiguës (sous-entendus, “coups bas”, flatteries excessives…). Le tout forme un “jeu” plus ou moins conscient, qui peut en apparence être amusant ou courtois, mais qui se termine souvent par un malaise.
Par exemple, en réunion, on peut voir des joutes verbales déguisées, ou des compliments appuyés qui finissent par sonner faux. Ce type d’interaction pollue la sincérité, fait perdre du temps et peut générer des ressentiments. - Intimacy (intimité)
La forme la plus profonde de communication, où chacun se livre sincèrement, sans feinte. Dans la vie privée, c’est la relation de couple ou d’amitié profonde. Au bureau, on a peu de place pour ça. Pourtant, si un groupe de collègues se fait suffisamment confiance, ils peuvent discuter ouvertement, se dire des choses franches, ce qui rend la réunion extraordinairement efficace. Mais c’est rare sans un climat de confiance établi.
L’intimité ne s’obtient pas par un simple tour de table. Il faut du temps, un historique de coopération.
2. Gérer l’ordre du jour et la progression
Une réunion vise (en principe) à réunir l’intelligence collective pour avancer dans la prise de décision. En tant que responsable, vous devez veiller à la fois au contenu (que dit-on ? dans quel ordre ?) et à la structure temporelle (comment “passer” d’un mode à un autre). Définissez en amont les objectifs, le déroulé et le temps alloué à chaque étape, y compris la courte séquence d’accueil (ritual/pastime) où chacun se sent inclus. Idéalement, vous communiquez ce découpage avant la réunion : “Nous avons deux heures ; je prévois environ 10 minutes pour la revue du marché, 10 minutes pour le statut du produit, 30 minutes pour la recherche de solutions…”. Beaucoup de frustration vient du fait que les participants ont des attentes différentes sur la façon de remplir ce temps. Si vous bridez trop les moments d’accueil, certains se sentent brusqués ; si vous laissez traîner ces “discussions de surface”, d’autres s’impatientent.
Bien sûr, la réalité d’une réunion est mouvante, le plan peut changer. À vous de “tenir la barre” : observer quand accélérer, quand ralentir, quand modifier l’ordre du jour. Expliquez vos décisions de réallocation (“Ce sujet est plus complexe que prévu, je propose d’y consacrer 15 minutes de plus et de reporter le sujet B pour la prochaine fois, êtes-vous d’accord ?”). Au contraire, si vous ne le signalez pas, la discussion risque de dériver sans fin.
Cette synchronisation est cruciale : les participants, s’ils ne savent pas combien de temps on consacre à chaque point, peuvent se lancer dans des détails inutiles, ou au contraire se sentir “pris au dépourvu”. Au final, beaucoup de réunions qualifiées de “perte de temps” reflètent cette confusion sur l’allocation du temps.
3. Adopter un “Meta regard”
Comprendre que le leader d’une réunion doit être simultanément impliqué (dans le contenu) et détaché (pour observer la progression) est essentiel. On parle d’une posture “meta” : être dans l’échange, tout en portant un regard externe. Ainsi, un manager compétent saura à la fois s’impliquer dans la discussion, donner un avis, prendre des décisions, et maintenir un œil sur la gestion du temps, l’évolution du climat, l’engagement des uns et des autres.
En coaching, c’est une compétence-clé. Je suis souvent questionnée : “Comment parvenez-vous, en une heure, à guider le client pour clarifier son objectif, lever ses blocages, consolider un plan d’action ?” En réalité, c’est un art : tenir à la fois le contenu (quel est le problème, la stratégie) et le cadre temporel. Les coachs sont formés à calibrer leur timing, par exemple d’abord sur 45 minutes, puis 30, puis 10… pour renforcer la précision. Vous pouvez, dans vos réunions, vous inspirer de cette méthode : préparez une trame de conduction (objectif, ordre des points, indicateurs de réussite) et gardez un œil sur la montre. “Être meta” signifie se voir un peu “de l’extérieur” afin d’ajuster en temps réel.
Si la réunion vous ennuie ou vous exaspère, essayez vous-même de vous mettre en position “d’observateur externe”. Quel usage du temps est en train de se faire ? Quelles séquences relèvent du “rituel” ou du “pastime” ? Voyez-vous un “jeu psychologique” s’installer ? Cette vision “méta” vous offrira de nouvelles réponses pour recadrer ou contribuer plus efficacement. Au lieu d’être passif, vous redevenez acteur.
Conclusion : exploiter la structure du temps, passer d’une modalité à l’autre avec finesse, c’est transformer vos réunions en espace productif et stimulant. Les échanges deviennent constructifs, la prise de décision plus rapide, et votre présence plus affirmée.
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